D'un pas nonchalant, et comme désabusé, un jeune cerf sort du fourré et broute distraitement quelques herbes. Son corps élancé me rappelle ces adolescents en pleine poussée de croissance dont la taille s'étire mais à qui manque la force. Elle viendra, mais un peu plus tard. C' est aussi le cas de notre sujet : il lui faudra encore patienter quelques années avant de pouvoir exhiber une ramure massive de 12 à 14 cors pour entrer dans la danse automnale, et oser défier le maître de la place de brame.
En attendant, puisque ce dernier s'est absenté avec sa harde de biche, rien n'empêche de venir se coucher à sa place, d'imprégner son pelage de la forte odeur si caractéristique des cerfs en plein rut, et de faire un brin de toilette. Il se laisse même aller jusqu'à fermer les yeux et somnoler. Amusé, je l' imagine en train de rêver au jour où, à l'issue d'un duel acharné, il pourra s'y reposer en vainqueur.
Mais voici que brusquement, sans l'ombre d'une hésitation, il se lève de la couche, alors qu'une biche apparaît à la lisière. Puis il décampe comme un enfant pris en faute. La vieille biche, avisée, avance prudemment. Elle hume la douce brise de ce début d'après midi, scrute du regard les alentours, tout en sondant l'espace de ses grandes oreilles, à la recherche d'un son incongru.
Un instant plus tard, apparaît celui qui inspira tant de crainte à notre jeune cerf : massif, puissant, impressionnant ! Obnubilé par une jeune biche, il se préoccupe peu des règles de prudence, et la suit de près. Il broute quelques feuilles, se couche, cherchant en vain du repos. Mais à peine quelques minutes plus tard, il se relève comme mu par une force irrésistible et revient la solliciter. Cela se répète souvent, avec insistance ou parfois tendrement. Elle est déjà bien épuisée mais ne semble pas prête à céder à ses avances. Pendant ce temps les trois autres biches du groupe et un faon font la pause en ruminant. Le cerf décide alors de venir se coucher à sa place de choix : Au pied de la paroi, comme sur un trône. Il est superbe avec sa couronne. On aurait envie de dire : "Mes hommages, roi de la forêt".
Mais c'est au créateur du cerf que je tiens à rendre hommage, lui qui a conduit vers moi cette petite harde pour vivre cette intimité avec elle, lui qui m'a accordé ces beaux portraits ... Je suis reconnaissant à Jésus de me faire de tels cadeaux et j'ai vraiment plaisir à les partager avec vous. D'autant plus que, cette année, le brame avait commencé par un drame. Et je ne savais pas si je réussirais à profiter de ces moments en forêt. En remontant les gorges montagnardes j'ai dû stopper brutalement ma voiture. Sur la route sinueuse gisait le corps blafard d'un jeune motard que des secouristes dévoués tentaient vainement de réanimer. A mon retour, une gerbe de fleurs ornant le bas coté confirma ma crainte du moment. Sa vie avait trouvé ici son point final. Le conducteur du premier véhicule venant en sens opposé à celui du motard, avait exprimé sa stupéfaction, en disant qu'il pensait avoir échappé au même sort, seulement à quelques secondes près ... J'ai beaucoup pensé aux parents du jeune garçon, à leur détresse, au désarroi qu'ils pouvaient ressentir ; à ses amis aussi.
J'avais du mal à trouver le sommeil, avec toutes sortes de questions qui surgissaient !
Gravillons ? Défaillance ? Perte de contrôle ?
Pourquoi si jeune, ici et maintenant ?
Ce n'était pas l' heure de l'automobiliste, mais qui a fixé le rendez-vous du motard avec la mort ? Si c'est la fatalité, quelle serait cette force surnaturelle par laquelle, selon certains, tout ce qui arrive est déterminé d'avance.
Quant au hasard des circonstances, la faute à "pas de chance", c'est peu convainquant. Et nous devons admettre que si notre vie est livrée aux lois statistiques, elle manque de sens.
Ou tout simplement l'imprudence de se croire invincible ... Avouons que nous vivons souvent sans réfléchir à ce point final.
Je n'ai toujours pas de réponse au pourquoi ... Mais pour ma part, je suis vraiment encouragé par ce poème inspiré de David où il expose son expérience de la présence de Dieu et sa compréhension de l'action de Dieu dans sa vie :
Eternel, tu m’examines et tu me connais, tu sais quand je m’assieds et quand je me lève, tu discernes de loin ma pensée. Tu sais quand je marche et quand je me couche, et toutes mes voies te sont familières. La parole n’est pas encore sur ma langue que déjà, Eternel, tu la connais entièrement. Tu m’entoures par-derrière et par-devant, et tu mets ta main sur moi. Une telle connaissance est trop extraordinaire pour moi, elle est trop élevée pour que je puisse l’atteindre.[...] C’est toi qui as formé mes reins, qui m’as tissé dans le ventre de ma mère. Je te loue de ce que je suis une créature si merveilleuse. Tes œuvres sont admirables, et je le reconnais bien. Mon corps n’était pas caché devant toi lorsque j’ai été fait dans le secret, tissé dans les profondeurs de la terre. Je n’étais encore qu’une masse informe, mais tes yeux me voyaient, et sur ton livre étaient inscrits tous les jours qui m’étaient destinés avant qu’un seul d’entre eux n’existe. Que tes pensées, ô Dieu, me semblent impénétrables! Que leur nombre est grand! Comment les compter? Elles sont plus nombreuses que les grains de sable. Psaume 139 versets 1 à 6 et 13 à 17
Je ne sais pas comment Dieu fait. Je ne peux pas l'expliquer. Mais si c'était vrai pour David, ça l'est pour moi aussi. Or ce que j'apprends ici c'est que Dieu connaît tout de moi, de mes actions, de mes paroles et même de mes pensées. Partout où je suis, Il est présent. Plus encore, Il est à l'origine de mon existence et Il a un projet précis pour moi !
Ma vie a un début, avec ma naissance, Il en est l'auteur.
Mon temps sur terre a aussi une fin, avec ma mort, mais elle n'est pas livrée au hasard !
David n'a pas écrit ce texte pour faire une belle poésie, en parlant d'un Dieu imaginaire. C'est le fruit de son expérience très terre à terre. Par exemple, alors qu'il était encore jeune, il a été capturé par des hommes de guerre assoiffés de vengeance. En toute logique, il aurait dû être cruellement mis à mort mais voici qu'il a été miraculeusement libéré ! David avait crié à Dieu. Dieu n'a pas voulu qu'il meure ce jour là et Il est intervenu en sa faveur ! Il a changé son destin. Voici ce que David a écrit au sujet de cet événement : Aie pitié de moi, ô Dieu ! car des hommes me harcèlent ; Tout le jour ils me font la guerre, ils me tourmentent. Tout le jour mes adversaires me harcèlent ; Ils sont nombreux, ils me font la guerre comme des hautains. Quand je suis dans la crainte, En toi je me confie. Je me glorifierai en Dieu, en sa parole ; Je me confie en Dieu, je ne crains rien : Que peuvent me faire des hommes ? [...] Tu comptes les pas de ma vie errante ; Recueille mes larmes dans ton outre : Ne sont-elles pas inscrites dans ton livre ? Mes ennemis reculent, au jour où je crie ; Je sais que Dieu est pour moi. Je me glorifierai en Dieu, en sa parole ; Je me glorifierai en l’Eternel, en sa parole ; Je me confie en Dieu, je ne crains rien : Que peuvent me faire des hommes ? O Dieu ! je dois accomplir les vœux que je t’ai faits ; Je t’offrirai des actions de grâces. Car tu as délivré mon âme de la mort, Tu as garanti mes pieds de la chute, Afin que je marche devant Dieu, à la lumière des vivants. Psaume 56 : 2-13
Si Dieu peut maîtriser les actions humaines afin de conduire notre vie, alors à fortiori il peut guider toute circonstance.
Ma destinée ne semble donc pas figée mais dépendante de mes choix, et de ma relation avec mon créateur. Et ça, c'est stimulant ! C'est ce qui me donne envie de mieux connaître ce Dieu dont David parle avec confiance. Au Psaume 37 verset 5 David écrit encore :
Recommande ton sort à l’Eternel, mets ta confiance en lui, et il agira.
Il ne reste plus qu'à suivre ce bon conseil pour en vérifier l'exactitude !
Pour en revenir à nos amis cervidés, la plus vieille biche toujours aux aguets a fini par me regarder intensément. J'ai alors réalisé que le vent était en train de tourner ... ma présence était dévoilée. Réaction immédiate : Bien que ne m'ayant pas distingué, sans un cri, tout le groupe se leva rapidement en suivant la meneuse, pour disparaître dans les fourrés en contre-bas.
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