Sur les conseils du gardien du refuge de Moëde-Anterne, nous voici arrivés à la tête de Moëde à 2459 m d'altitude, dans l'espoir d'observer quelques bouquetins. Les brumes matinales, abondantes suite aux fortes précipitations de la veille, ont cessé d'accompagner notre ascension à notre arrivée au col d' Anterne, ce qui nous a permis de découvrir quelques étagnes avec leurs cabris. Depuis lors, seul un accenteur alpin nous a fait l'honneur de sa compagnie, durant quelques minutes, tout affairé à la capture de nombreux moustiques pour nourrir, de toute évidence, une belle nichée. Mais toujours pas de grandes cornes en vue. Les boucs sont ailleurs.
Cependant, le panorama grandiose nous console de leur absence. Où que l'on porte les regards, la montagne est magnifique, en cette belle journée de Juillet 2014 ! Les Rochers des Fiz surplombent majestueusement le lac d'Anterne de leurs hautes falaises et le Mont-Blanc domine de toute sa hauteur. Rien de mieux pour déposer son sac, puis savourer un taboulé … et se détendre. Inlassablement, j'admire les falaises de granit et leurs glaciers suspendus, immortalisant en quelques déclics, le jeu de nuées retardataires se glissant entre les sommets : Grandes Jorasses, Aiguille verte et le Dru. Quel spectacle !
Brusquement, Marie me tire de mes rêveries par des appels pressants : Philippe, Philippe, regarde ! tout en pointant le ciel au dessus de nous. Incroyable ! Un oiseau immense vient de nous survoler en rase-mottes. Mais qu'est-ce que c'était ? Et le voici qui revient … cette fois il n'y a pas d'hésitation : c'est un Gypaète ! Il passe si prés, que Marie, toute effrayée, jette au loin la pomme qu'elle dégustait, … serait-ce l'objet des convoitises de notre visiteur ?! On en ri encore …
Il faut avouer qu' avec son envergure de 280 cm, ce géant des airs est vraiment impressionnant. Et il a une façon de vous fixer du regard, qui est assez déroutante. J'ai eu l'occasion d' apprendre que ce comportement est fréquent chez le Gypaète : Il est naturellement curieux. Malheureusement, cette façon d'agir peut être ressentie comme une agression, et cela lui a joué de mauvais tours. Beaucoup d'ignorance et de superstition à son sujet ont conduit l'homme à le persécuter au point de le faire disparaître de nos Alpes Françaises en 1935 ! (*)
En Décembre dernier, c'est à nouveau en compagnie de bouquetins, qu' avec notre ami Gilles
( nous espérions assister à des scènes de rut ), nous avons pu observer longuement (2h30) ce vautour casseur d'os, dans les Aravis. Deux adultes et un jeune sont venus scruter les moindres ravines à la recherche de carcasses. Car ce qui intéresse le Gypaète, ce sont les squelettes ! Son menu se compose uniquement d'os pour 80 à 98 % et de quelques muscles ou tendons. Si leur taille est trop importante ( sachant cependant que son gosier peut s'ouvrir jusqu'à 9 cm de diamètre !), pas de problème : il les emporte entre 20 et 150 m au dessus d'un pierrier ou de blocs rocheux et il les largue jusqu'à ce qu'il obtienne des éclats à sa convenance. Ensuite, grâce à ses sucs digestifs très acides, tout ceci est parfaitement digéré …
C'est tout d'abord un jeune qui est venu nous rendre visite avec sa tête bien noire, sa barbiche bien fournie et son plumage marron foncé. Il partageait l'espace aérien avec un groupe de chocards à bec jaune resté distant. Et c'est intentionnellement qu'il nous a survolé. Notre présence ne le gênait visiblement pas le moins du monde. Il fut suivi de deux adultes émergeant des brumes ; peut être ses parents ? Leur tête claire et la belle couleur orangée de leur cou et de leur ventre les distinguaient nettement du premier. En revanche rien ne différencie, mis à part le poids, le mâle de la femelle. Ce qui m' amuse, c'est que l'oiseau colore ses plumes blanches lui même, volontairement, en se baignant dans des flaques d'eau riches en fer ! L'oxyde de fer ainsi déposé au sein des plumes, lui donne cette belle parure. Mais qui donc lui a appris cela !? C'est surprenant que le créateur lui ait donné cet « instinct ». Il aurait pu tout aussi bien lui octroyer d'emblée des plumes orangées. Peut-être un jour comprendrons-nous mieux le but de ce qui passe pour une coquetterie. Quoiqu'il en soit, ce fût un véritable enchantement de les admirer se laisser élever par les courants ascendants à l'aplomb de la falaise ; planer le long des pentes abruptes, aller et venir , virer sur l'aile puis glisser le long d'un couloir ; accélérer brutalement pour prendre en chasse une corneille exaspérante et fondre sur elle. Nous avons été très impressionnés par son agilité, ne le croyant pas capable de telles prouesses aériennes ! Je suis vraiment reconnaissant à notre Dieu de nous avoir permis de faire ces belles observations. Je suis très heureux de pouvoir partager ces expériences avec vous et je vous souhaite de pouvoir l'observer vous même. Alors, si en grimpant un sentier vous voyez une grande ombre couvrir la pente : levez vite les yeux, c'est peut être lui qui vient vous rendre visite. En attendant vous pouvez parcourir l'album. (*) Je remercie aussi tous ceux qui poursuivent un magnifique travail ayant permis le retour du Gypaète dans nos régions. En effet, jamais nous n' aurions pu l'observer en Savoie et haute Savoie s'il n'y avait eu des passionnés pour étudier ses mœurs et se battre pour le réintroduire dans les Alpes. Et l'aventure continue dans le grand Causse, en Lozère. Je ne saurais trop vous conseiller : - Le N° 249 de la revue Salamandre qui fourmille d'informations passionnantes à ce sujet.
- Pour le plaisir des yeux le DVD des très talentueux cinéastes animalier Anne et Erik Lapied. et le livre des photographes Antoine Rezer & et Jean-Luc Danis.
- Un petit tour sur le site de la LPO sera certainement utile
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